DE CREMONA À LOS ANGELES

GIULIO BELLANDI – Le regard d’un homme libre

Né en 1897 à Cremona, une petite ville du nord de l’Italie, Giulio Bellandi grandit dans
l’arrière-boutique d’un modeste horloger : son père. Là, au milieu des rouages et des loupes, il
développe très jeune une fascination pour la précision, les matériaux nobles, et surtout... les
regards. Il aimait observer les gens, lire dans leurs yeux ce qu’ils ne disaient pas.

En 1931, face à la montée du fascisme et au déclin de l’artisanat local, Giulio prend une
décision radicale : il quitte l’Italie avec une valise de cuir, quelques outils d’optique, et une
promesse faite à sa mère — « Je ne cesserai jamais de fabriquer du beau et de l’utile. »

Il débarque à Los Angeles, une ville en plein bouleversement. Les gratte-ciels montent, les
voitures remplacent les tramways, et les studios d’Hollywood avalent les quartiers entiers. Mais
dans ce tumulte moderne, Giulio cherche un coin tranquille.

Il trouve refuge dans Boyle Heights, quartier d’immigrants, où il loue une petite échoppe
coincée entre un barbier arménien et un tailleur juif. Là, il fonde FLARE — un atelier de
lunettes, mais surtout un sanctuaire pour ceux qui croient en la beauté discrète et à l’élégance
silencieuse.

Un artisan, pas un commerçant

Giulio ne parlait pas très bien anglais, mais son accent et ses gestes précis suffisaient à
convaincre. Il dessinait ses montures à la main, les découpait dans de l’acétate importé de France, et ajustait chaque branche à la forme du visage de ses clients. Certains disaient que porter une paire de lunettes FLARE, c’était voir le monde avec une nouvelle clarté... intérieure.

Les acteurs de cinéma commencèrent à passer, en cachette. Les intellectuels aussi. Mais Giulio refusait les commandes en série. Il travaillait seul, à la lumière chaude d’une lampe articulée, entouré de ses outils, d’un tourne-disque et d’un vieux portrait de sa mère.

Mais Giulio n’était pas qu’un artisan du beau. Il croyait profondément que la qualité ne
devait pas être un luxe réservé à quelques-uns
.

C’est pourquoi il créa deux lignes distinctes : une gamme premium façonnée à la main dans les plus beaux matériaux, et une autre plus accessible, pensée pour que chacun, peu importe son budget, puisse porter une paire bien faite, juste et élégante.

Un héritage sans signature

Giulio Bellandi ne chercha jamais à devenir célèbre. Il refusait même d’apposer son nom sur les lunettes. Pour lui, seule la lumière qui passe à travers comptait.

Il transmit son savoir à un jeune apprenti, un enfant du quartier, à qui il répétait souvent :

« Les lunettes ne servent pas à cacher. Elles doivent révéler. »

Il s’éteint paisiblement en 1979. Aujourd’hui, le « eyewear » en moins, FLARE est encore là, au 4 coin du monde, toujours fidèle à la vision de son fondateur : faire du regard un art.